jeudi 26 mars 2015

Zapolska se souvient de Sérusier



Quelques années après son retour en Pologne, Zapolska écrit à Stanislaw Janowski (son mari) qui est parti pour Paris, à propos de Sérusier : Je suis contente que le contact avec Sérusier ait pu vous être utile. C’était une grande, belle âme d’artiste ! Comment ai-je pu me comporter ainsi envers lui ! (Lettre N° 435, du 2 août 1899, Krynica).


Le 1er octobre 1899 elle écrit de nouveau à Stanislaw Janowski : Tu m’écris que Sérusier t’impressionne plus que Pissarro. C’est exact ! Sérusier se glisse plus dans l’âme, tandis que chez Pissarro on admire sa maestria. Celui-ci est poète, l’autre- artiste. Sérusier crée une harmonie ... et l’autre, l’éclat. Sérusier parle et Pissarro scintille. Mais la création de l’un et de l’autre est belle et en suivant les deux on peut, je crois, ressentir une satisfaction énorme et pour soi-même et pour ceux qui les regardent (Lettre N° 454, du 1er octobre 1899).


mardi 17 mars 2015

Influence de Zapolska sur Sérusier


Le passage de Zapolska laisse un impact dans l’œuvre de Paul Sérusier. Dans le doctorat en Histoire de l’Art de Madame Caroline Boyle-Turner, figure une reproduction du tableau de Sérusier intitulé : Promenade dans les Bois de Châteauneuf-du-Faou ou Rêverie dominicale. Madame Caroline Boyle-Turner écrit : En 1894-95, le style de Sérusier se départit des couleurs sombres et des figures monumentales de la période d’Huelgoat. Les petites figures et les couleurs brillantes réapparurent dans ses toiles qui représentent souvent des femmes désœuvrées.


Beaucoup de ces peintures sont d’une humeur plus heureuse, plus décorative ce qui est dû indubitablement à la récente alliance de Sérusier avec l’actrice polonaise Gabriela Zapolska.  Celle-ci, que Sérusier avait rencontrée à Huelgoat en 1893, se fit championne de l’art de son ami. Elle le chargea de peindre des œuvres pour son appartement parisien et écrivit avec enthousiasme à leur propos à ses amis de Varsovie. Le défi de composer un ensemble décoratif pour un espace de vie peut avoir conduit à ce changement dans le style de Sérusier.


La nature de la procession n’est pas claire – ce pourrait être un mariage, une première communion ou simplement une réunion paisible que regarde l’étrangère vêtue de rouge, qui représente peut-être Gabriela. Le second titre Rêverie dominicale, peut rappeler le souvenir qu’avait la jeune femme d’un dimanche d’été en Bretagne tandis que les femmes se promenaient après la messe dans leurs plus beaux atours (Page 112).


À la page 116 de cette thèse, nous trouvons d’autres informations concernant Sérusier : la reproduction du tableau La Cueillette des pommes, 1895   à l'été 1895, Sérusier se retira en Bretagne pour y chercher la consolation après l’abrupte rupture de sa liaison avec Gabriela Zapolska.


Page 153 : L’année 1896 : Cette année-là, une période de solitude et de dépression fut coupée par l’arrivée d’une lettre de Vercade, désormais moine d’une abbaye bénédictine à Beuron, en Allemagne. 
Page 154 : Il épousa une de ses étudiantes de l’Académie Rançon – Gabrielle Claude  le 12 mars 1912, à l’Église Saint-Sulpice.


Paul Sérusier est enseveli au cimetière de Morlaix. Son portrait en buste, en bronze, est de Georges Lacombe.


samedi 14 mars 2015

Les ponts entre Zapolska et Sérusier sont coupés


La correspondance de cette époque entre Zapolska et Sérusier a été détruite. En étudiant le seul livre qui constitue un recueil de lettres de Sérusier et qui porte le titre ABC de la peinture, j’ai été intriguée par la préface. Un Avertissement  nous informe que Cette correspondance est publiée dans la forme même du style originel que nous croyons devoir respecter, mais si elle présente d’inévitables et regrettables lacunes elle contient, néanmoins, l’essentiel pour la connaissance de l’homme et surtout de l’artiste dont l’œuvre estimé s’est imposé et est aujourd’hui classé  (…).

Madame Wladyslawa Jaworska, docteur en histoire de l’art, qui s’est intéressée à cette question m’a expliqué pourquoi cette correspondance n’a pas été conservée. Madame Jaworska a écrit un livre : Gauguin et l’École de Pont Aven, Ides et Calendes, Neuchâtel, 1971. Un chapitre y est consacré à Paul Sérusier. A l’occasion de ses recherches, Madame Jaworska a été souvent invitée par Mlle Henriette Boutaric, l’héritière de la totalité de l’œuvre de Paul Sérusier. Mlle Henriette Boutaric n’a jamais connu Sérusier mais, après la mort de l’artiste, elle s’est occupée de Madame Sérusier qui était malade. C’est elle qui a dévoilé à Madame Jaworska la cause de cette « lacune »  à savoir, l’absence dans la correspondance de Paul Sérusier des traces de l’existence de Gabriela Zapolska dans la vie du peintre.

Après le départ définitif de Zapolska en Pologne, Sérusier a voulu se suicider. Il a été ramené à la vie et, pendant une longue période, il a été en convalescence au cloître de Beuron, chez son ami hollandais Jan Vercade. Lorsque, quelques années après, en 1912, il s’était décidé de se marier avec Mlle Marguerite Gabriel-Claude, celle-ci accepta, semble-t-il sous la condition que son fiancé brûle toutes les lettres de Zapolska, qu’il ne lui écrive jamais plus et que, s’il devait recevoir une lettre de Pologne, il ne l’ouvre pas et la brûle sans la lire.

Nous savons aussi que Paul Sérusier a fait un séjour à Prague en 1896, où il peignait des fresques dans des églises. 

vendredi 13 mars 2015

Les projets de mariage se précisent


Je vis la plupart du temps avec des Français : des peintres et des acteurs. J’ai envoyé à « Przeglad Tygodniowy » une « Lettre » au sujet des nouveaux courants dans la peinture. Lis-le avec Pankiewicz.
Par envoi recommandé je vous envoie 2 affiches de « Hannelé Mattern »sur laquelle je figure sous la forme du Fantôme bleu. L’affiche est de Paul Sérusier, vraisemblablement mon futur mari et, selon moi, l’un des plus grands peintres de l’époque actuelle. Ce que tu écris - que Paris te semble laid et monstrueux – c’est vrai. Mais – quant à moi – je suis destinée à y rester. Que veux-tu ? Je suis maintenant tout à fait tranquille. J’ai un soutien moral et je ne me débats plus au sein d’un cercle vicieux comme au début de mon séjour. Je joue tranquillement quand je veux et, en plus je choisis mes rôles. Je suis entourée de ces peintres dont je t’ai parlé, qui sont particulièrement instruits. (…) Je vais devoir beaucoup à cet homme car il m’apprend à réfléchir. Je lui suis très attachée et lui, il m’adore. Je sais que tu m’as aimé beaucoup aussi, mais je ne sais pas pourquoi tout ça a dérapé. N’y pensons pas. Il se peut que la vie nous ait épargné pas mal de déceptions et des difficultés. (…) Sincèrement bienveillante.


Mise en garde de Laurysiewicz. Voyage – sans retour – à Varsovie

Dans une lettre du 2 juillet 1894, Zapolska répond à Laurysiewicz qui la met en garde à propos de la décision de rester pour toujours en France car elle risque de s’étioler loin de son pays, comme cela a été le cas pour les écrivains Jez et Kraszewski. Elle lui explique que le progrès est très lent en Pologne : elle va y venir pendant deux mois mais elle pense s’en éloigner au plus vite.

Nous savons que Zapolska quittera Paris en mai 1895, pour ne jamais y revenir.

lundi 9 mars 2015

Projet d’un court séjour à Varsovie. Installation rue Tourlaque


Un mois plus tard ZAPOLSKA écrit à Stefan LAURYSIEWICZ, qu’elle va venir à Varsovie pour trois semaines, qu’elle a discuté à ce sujet avec son futur mari, Paul SÉRUSIER, et qu’il est d’accord. Elle cherche à prendre des notes pour son nouveau roman Perpetuum mobile. (…) Elle lui annonce qu’elle a changé de couleur de cheveux : ils sont blonds dorés.

(…) je ne sais plus lutter ou désire quelque chose. Je suis comme une feuille que le vent emporte. J’ai besoin de confort, de caresses, de me faire plaisir-en un mot, je me repose moralement et physiquement. Je suis devenue oisive et un peu capricieuse.

Ne regrette pas que ce ne soit pas moi qui deviendrai ta compagne. (…) Écris-moi, tu ne seras jamais importun, au contraire. Je serre cordialement ta main.

Sincèrement. Z.

Le 2 avril 1894, ZAPOLSKA écrit à A. WISLICKI qu’elle changé d’adresse pour le 4 de la rue Tourlaque, à Montmartre.

Le 11 juin 1894, Zapolska répond à Stefan LAURYSIEWICZ, depuis Châteauneuf-du-Faou :

Je ne sais pas comment tu comprends ce qu’est le mysticisme et ce qu’est pour toi l’immortalité de l’âme. Moi, ici, je suis gavée de philosophie. J’en entends parler (de la part de SÉRUSIER) et le jour et la nuit. Je lis beaucoup et je me suis fabriqué une opinion qui change selon que je regarde les étoiles ou une souris morte. Tu te souviens à quel point j’avais peur des morts ? Eh bien ! Aujourd’hui, pas du tout.

Moi aussi j’habite près d’un cimetière (celui de Montmartre). Depuis la place Clichy, en prenant le boulevard à gauche, il y a une grande rue, la rue Caulaincourt et, tout près, une autre plus petite, la rue Tourlaque. C’est là où j’habite, au numéro 4, au 3ème étage. J’ai un très joli appartement pour 700 francs.

Le salon est adorable – rouge foncé – et tous les meubles ont été changés. J’ai un bureau sculpté, une très jolie chaise longue chinoise brodée, une bibliothèque, des chaises turques faites de parchemin, des fauteuils de marbre du Tonkin et plusieurs petits tapis asiatiques qui sont authentiques. Dans le salon, il y a une fenêtre double avec des vitres colorées, serties de plomb.

Ma chambre à coucher est de style anglais ; les murs sont couverts d’un papier de couleur vert pâle et un galon, avec des roses pour motif, court près du plafond. Au-dessus du lit, il y a des voiles blancs en mousseline ; aux fenêtres, de grands rideaux blancs ; une chaise longue en rotin ; un fauteuil et des guéridons.

Ma salle à manger est tapissée d’un tissu en laine couleur or et jaune, le plafond aussi. Le buffet et l’armoire sont bretons. Le tapis est de couleur saphir et des tabourets sont sculptés. Le cabinet de toilette est rouge avec des motifs qui représentent des éventails.

Lorsque je reviendrai, je ferai installer la baignoire car j’ai le gaz. L’appartement est propre, clair et agréable. Hortense (Hory, sa femme de ménage) est toujours là. (…).



vendredi 6 mars 2015

Premières évocations d’un projet de mariage


Dans une autre lettre, écrite en décembre 1893 à Adam WISLICKI, ZAPOLSKA évoque son prochain rôle dans L’Assomption de Hannele Mattern de G. HAUPTMANN et lui annonce qu’elle est obligée d’emprunter de l’argent à Antoine en attendant que WISLICKI veuille bien lui envoyer l’argent pour ses écrits.

En janvier 1894, ZAPOLSKA reçoit une lettre de Stefan LAURYSIEWICZ qui lui demande si elle veut renouer de nouveau avec lui. Elle lui confirme qu’elle a eu deux demandes en mariage : de la part d’un Professeur de Cambridge, qu'elle a décliné, et une autre d’un grand peintre, d’un Français (SÉRUSIER), qu’elle pense accepter.

Zapolska explique à LAURYSIEWICZ qu’elle veut un soutien moral de la part d’un homme qui n’aura pas honte de se montrer avec elle et qui lui donnera son nom. Elle veut avoir un toit au-dessus de sa tête.

Ne crois pas que ce peintre soit n’importe qui : c’est un homme probe, plein de talent et argenté. Ce dernier atout n’a pas tellement d’importance pour moi – tu le sais. Mais les deux autres atouts, oui. Ne m’en veux pas de ce que je t’écris mais il faut que nous jouions cartes sur table.

ZAPOLSKA conseille à LAURYSIEWICZ de revenir vivre à Varsovie et de se marier avec une femme honnête. Elle ne veut pas reculer car elle a donné sa parole (à SÉRUSIER). Mais il peut toujours lui écrire et ils resteront amis.