jeudi 29 janvier 2015

SÉRUSIER peint les murs de l’appartement parisien de ZAPOLSKA


En décembre 1893, ZAPOLSKA répond à une lettre d’Adam WISLICKI qui se plaint de ne plus être l’âme de Przegłąd Tygodniowy (Revue hebdomadaire, dont il est le Rédacteur). Elle lui annonce que ses liens avec la France sont en train de se resserrer et que, probablement, elle ne reviendra jamais. Bien qu’elle ait pensé revenir l’année précédente, les attaques dont elle a été objet en Pologne de la part de PRUS et de ZALEWSKI à propos de ses traductions l’en ont dissuadée.

Elle lui parle de Paul SÉRUSIER qu’elle a déjà évoqué dans sa Lettre sur la Bretagne qui avait paru dans Przegłąd Tygodniowy.

SÉRUSIER a peint sur les murs de la salle à manger de son appartement parisien :

C’est une nuit de pleine lune. On y distingue les contours de rochers de granit, des arbres, des silhouettes de gens, des étangs. Sur un des murs on voit un feu allumé, autour duquel danse une farandole de Bretons. Comme c’est joli ! Je voudrais que vous le voyez . (…)

Par moments, je suis tentée de me marier pour ne pas être obligée de travailler aussi durement. Puis je pense que je deviendrai alors une prostituée légale… alors j’abandonne cette idée.

J’ai eu quelques candidats au mariage : un Professeur de Cambridge, un Anglais – celui-là avait ses chances. Maintenant, j’ai ce peintre Sérusier. Qui sait ce que je vais faire !



samedi 24 janvier 2015

Sur le point de rencontrer Paul SÉRUSIER


En 1893, Gabriela ZAPOLSKA part en Bretagne : c’est là où elle va faire connaissance du peintre Nabi, Paul SÉRUSIER.

Lorsqu’elle arrive à Roscoff, où elle essaye de se refaire une santé, ZZAPOLSKA rencontre des Français et des Anglais qui sont venus en Bretagne, comme elle. Avec les Anglais – qui étaient plus amusants – ZAPOLSKA se distrait. Mais la bourgeoisie française n’a aucune sensibilité artistique […] Il faudrait que j’adhère à leurs idées saugrenues et j’ai parfois la sensation d’étouffer. ZAPOLSKA s’ennuie avec eux.

Ce coin de Bretagne est sauvage et dépeuplé (…) La mer est splendide et le paysage superbe. Quand, par nuit de pleine lune, la mer se déchaine contre le rivage, mon âme veut s’échapper loin de moi pour aller vers le vaste monde ! Pour aller vers une vie meilleure, sans souci du lendemain.

ANTOINE, mon directeur du Théâtre Libre, me propose une excursion en Bretagne, avec lui et sa dame. Si seulement j’avais de l’argent, j’irais volontiers. (…) Je me suis acheté une boite de peinture et j’ai peint des croûtes , des paysages marins bleus. (…) Plus je regarde la mer, plus je trouve qu’aucun peintre n’est capable de bien rendre la mer, sans utiliser des couleurs or et argent. N’est-ce pas ? (Lettre à Stefan LAURYSIEWICZ, son ami)

Le 23 août 1893 ZAPOLSKA écrit de nouveau à LAURYSIEWICZ, cette fois depuis Huelgoat : Il y a ici beaucoup de peintres. Je me suis liée avec un groupe de symbolistes (tu sais, ceux, dont les tableaux que nous regardions pendant l’exposition me faisaient rire alors que toi, tu les regardais avec sérieux). Ils sont ici. Ils portent des sabots et les mêmes habits que les paysans, fument la pipe et discutent sans cesse de tons, de couleurs. Tu ne peux vraiment pas avoir idée à quel point ces morceaux et ces ensembles dont ils parlent sont beaux. (…)

J’ai un grand tableau que m’a donné ANTOINE : entièrement peint avec des points –cela va faire sensation à Varsovie. J’aurais aimé avoir un tableau de ces symbolistes, peint en trois couleurs seulement, où l’on voit de petits monstres. Comme ça. Cela doit représenter un orage, ou bien un enterrement, ou quelque chose de semblable. Ça n’a pas d’importance.

Est-ce que tu sais, Dziudek, qu’ils font tout ça en y croyant sincèrement, je t’en donne ma parole. Ils portent des robes blanches, des chevalières en or et ils s’appellent entre eux : les Nabis. Ils disent qu’ils ont un rubis dans leur nombril. Mais ce n’est qu’un symbole : c’est un rubis moral. Par moments, je me demande qui est plus fou ici : moi ou eux ? Et parfois je pense que c’est moi. Je les décrirai dans ma prochaine Lettre pour Przegłąd Tygodniowy (hebdomadaire polonais à Varsovie).

ZAPOLSKA restera à Huelgoat jusqu’au 15 septembre.