dimanche 15 mars 2009

La neige

Avant que les neiges ne fondent complètement dans les montagnes, et avant l’arrivée du printemps pour de bon, il faut que je vous dise ce qu’est, pour une Polonaise, de ne pas pouvoir se réjouir de la neige à Paris.

Une nostalgie me saisit lorsque mes amis et la famille me racontent depuis Varsovie que de lourds flocons de neige défilent devant leurs fenêtres, se posent lentement et enveloppent de silence les alentours. Paysage idéal pour le recueillement, la réflexion et l’enchantement.

La neige commence à tomber en Pologne au début de novembre, après la Fête de Tous les Saints. Elle réapparaît à plusieurs reprises parfois jusqu’au mois d’avril. La blancheur immaculée qui couvre les champs, les parcs, les rues, pousse les gens à rester chez eux, à la maison. Mais les Fêtes de Noël, de la Saint Sylvestre et du Jour de L’An, puis du carnaval jusqu’au Mardi-Gras, à la Saint Valentin enfin, sont l’occasion de festoyer, de se divertir, de se réunir en famille et entre les amis. Plus la neige persiste, plus les gens ont envie de s’inviter les uns chez les autres.

En Pologne, manquer les bals de Saint Sylvestre, puis ceux de la période du carnaval… ne pas se parer, s’habiller ni danser… est un sacrilège impardonnable. Imaginez une Polonaise à Paris ! Pas de neige, pas de danse, pas d’agitation affairée des gens pendant cette vie hivernale et absence d'un contrepoids à l’austérité, grâce à ces Fêtes, qui sont ainsi l’occasion de s’amuser ou de préparer des plats très caloriques, comme les pączki (ce sont les boules faites de pâte à gâteau, remplies de confitures), ou les faworki (que l’on mange le Mardi-Gras)… à déguster avec les convives.

A Paris – la vie est tiède.

Pourtant la neige tombe à Paris aussi – de temps en temps ! Mais tout fond en un clin d’œil. La magie ne dure qu’un moment, comme dans la célèbre chanson sur l’amour… Que faire donc ? Moi qui n’aime pas skier ni aller aux sports d’hiver dans des Alpes ou le Jura, j’aime en revanche le silence de la neige, sa gravité et son immobilisme. Même au 19ème siècle, dès que de la neige tombe à Paris, c’est un événement ! Voici ce que nous en dit Gabriela Zapolska :

Oh ! La neige ! – C’est ma première neige à Paris. En se penchant, Hortense, ma bonne, s’est écriée : « Quelle neige ! » Elle ne comprend rien ! Ah ! Ces Français ! Moi, ça me fait revivre ! Je vais mettre des bottines et, à petit pas, je vais aller au musée de l’Opéra. La neige va se poser sur le bout de mon nez. La neige continue de tomber et tout devient plus blanc. Je m’imagine que je suis à nouveau dans mon pays. Je préfère cette illusion à la réalité.

(…) La neige ! La neige ! Des bandes de voyous, en chemises de mariniers et portant des pantalons déchirés, courent le long des boulevards en poussant des cris, à qui hurlera le plus fort. Les milliards de flocons de neige les poursuivent en nuées qui s’éparpillent et virevoltent, s’accrochant à leurs casquettes trouées, à leurs mains rougies, à leurs visages blêmes, marqués par la misère et la débauche. (…) Dans ce qui subsiste de la clarté du jour, des lampes électriques commencent à émettre leur lumière bleu argent. Elles brillent là-haut, comme de blancs soleils que l’on aurait voilés de mousseline et que l’on aurait tout à coup suspendus au- dessus du brouhaha des boulevards. (…)

Arrivez-vous à me comprendre, maintenant ?

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