lundi 14 décembre 2015

Le BAL DES FOLLES au LUCERNAIRE



J'aurai le plaisir de vous accueillir le
VENDREDI 18 DÉCEMBRE
à 16 heures
à la fin de cette semaine
avec des amis comédiens à la salle du
THÉÂTRE NOIR
du THÉÂTRE LUCERNAIRE

pour le Spectacle en lecture du

BAL des FOLLES
de
Gabriela ZAPOLSKA

Il s'agit d'un événement qui se reproduisait chaque année de la fin du 19ème siècle, dans les Services du célèbre Professeur CHARCOT à la SALPÊTRIÈRE.

Voici comment un journaliste de l'époque en faisait part à ses lecteurs :

J’ai reçu, il y a quelques jours, une lettre ainsi conçue :

Hospice de la Salpêtrière
Vous êtes invité au bal costumé de la mi-carême qui aura lieu le 1er mars 1889, à huit heures.

Je suis donc arrivé à l’heure exacte indiquée sur le carton que l’on m’avait envoyé, et je me suis dirigé à travers le dédale des rues et des places de cet antique hospice qui compte 6 500 habitants (la population d’un chef-lieu d’arrondissement), jusqu’au quartier dit des Aliénées. C’était la fête, là-bas, dans cette cité de douleur, à Paris. Chaque année, le jour de la Mi-carême, l’Administration de l’assistance publique offre aux malheureuses qui vivent dans cet asile un concert-spectacle et un bal, connu du public parisien, sous le nom typique de Bal des folles. Les artistes les plus réputés ont parus dans ce concert-spectacle, dont le public n’est composé que de folles : et Coquelin, et les frères Lionnet et toute la Comédie Française. Ils y viennent pour l’honneur, car, ainsi qu’on le faisait remarquer, les gens de théâtre ont beaucoup de défauts, encore faut-il reconnaître qu’ils ne refusent guère leur concours aux œuvres charitables. Ce jour-là, tout le personnel de l’hospice est sur pied. Le concert a lieu dans la salle où le professeur Charcot fait ses cours. Les malades amenées par leurs surveillantes s’entassent sur les gradins ordinairement occupés par les élèves.

Gabriela ZAPOLSKA - qui a passé 6 ans en France et qui était correspondante de journaux à Varsovie - y a elle-même été invitée et en a fait une relation admirable. Son don pour l'écriture et sa sensibilité d'actrice rendent ce texte très prenant. Elle était d'autant mieux renseignée qu'une de ses connaissances polonaises faisait elle-même partie de l'équipe du Professeur CHARCOT.

J'ai traduit ce texte du polonais en français, avec l'assistance d'Arturo NEVILL. Tous ceux qui ont eu l'occasion de le lire s'y sont vivement intéressés.


Vous trouverez quelques informations complémentaires à ce sujet dans ce même blog SEINE & VISTULE, à la date du 12 mai 2009.



jeudi 15 octobre 2015

Zapolska à Paris



Gabriela Zapolska a séjourné six ans à Paris. Pour bien approcher ce sujet, il est souhaitable de l’analyser, en ne perdant pas de vue les principales activités qu’elle a menées au cours de son existence.

Sa vie avait été bouleversée dès son jeune âge. À partir de 1882 (elle a 25 ans), deux écheveaux vont se compléter et s’entremêler : le théâtre et l’écriture. Ainsi, son ambition de venir à Paris, s’explique pour des raisons personnelles, d’écrivain et d’artiste.

Raisons personnelles : ne plus être cataloguée dans le rang des femmes abjectes, libertines, et insoumises. Dans son pays, elle avait voulu, selon ses propres mots ne pas donner deux pères à son enfant adultérin, et avait exposé la vérité à son mari, Sniezko-Blocki. Conséquence de cet aveu – la perte de sa dot, donc ses moyens de subsistance.

En tant qu’écrivain, ce séjour avait pour but d’échapper à ressentiment à son égard, visant à la discréditer, notamment sur le thème du naturalisme face au positivisme alors dominant. Elle va désormais subsister à ses besoins grâce à l’écriture.

Sa seconde passion est le métier d’actrice : elle avait débuté dans la Pologne partagée plusieurs années avant de venir en France. Elle la poursuivra activement après son retour en 1895, jusqu’en 1900. Lorsqu’elle vient à Paris, en 1889, Zapolska cherche à s’imposer en tant que grande actrice, à l’instar de celles qui ont réussi à y jouer, ou et de se faire remarquer sur des scènes étrangères. On pense à Helena Modrzejewska dans les pays anglophones.

Certaines comédiennes slaves sont venues à Paris pour tenter de se faire engager au théâtre et gagner une renommée. Des exemples ? Une actrice slave : Julia Feyghine, appelée la Polonaise-Ukrainienne, a été victime d’un malheureux et fulgurant début à la Comédie Française et d’un non moins malheureux amour pour le jeune fils de duc de Morny : elle se suicide en 1882 à Paris. En 1889, une autre comédienne polonaise, aimée du public varsovien, Maria Wisnowska, obtient une permission de Palicyn, Prezes du WTR, pour se rendre à Paris et tenter de jouer sur des scènes parisiennes. Malgré l’appui de Pailleron, écrivain et dramaturge français, elle ne réussit pas à franchir un obstacle majeur : perdre son accent. Découragée, elle doit retourner dans son pays. Il y a le cas de Wanda de Boncza (1872-1902), qui joue à l’Odéon et à la Comédie Française, de Boleslaw Plucinski, acteur connu en France sous le nom d’Armand Dutertre, qui joue à l’Odéon. On note aussi la présence de quelques femmes artistes russes, mais elles ne jouent que dans leur langue natale.

Gabriela Zapolska vient à Paris, avec un bagage d’une pratique théâtrale sur scène proche près de dix ans, qu’elle a acquise dans des troupes itinérantes. Telle l’héroïne de la pièce de Tchekhov dans La Mouette, elle apprend son métier sur le tas. Dans une lettre à Maria Szeliga, au sujet de son projet de venir et étudier l’art dramatique à Paris, elle compare son âge et sa volonté, à la réussite de la grande actrice Helena Modrzejewska. Sa volonté, sa rage et sa révolte face au monde sont doublées d’une force de revanche : elle se sent prête à affronter les difficultés. Elles ne manquent pas. D’abord sa connaissance de la langue française qui n’est pas suffisamment maîtrisée, ce qui l’empêche de transmettre l’émotion au public. Puis, sa situation matérielle. Enfin son état de santé défaillant.

Lorsqu’elle arrive à Paris en 1889, Zapolska se situe à mi-chemin de son parcours de sa vie. Elle a 32 ans.

Au cours de six années qu’elle y passe, avec des périodes de découragement et d’euphorie, Zapolska s’imprègne de l’atmosphère ambiante du Paris de l’époque et rend compte des bouillonnements et des métamorphoses de la société parisienne – artistique et littéraire.

Elle est journaliste pour le compte de Kurier Warszawski qui lui délivre une carte professionnelle de presse. Les articles que Zapolska envoie sont des témoignages, parfois colorés par ses propres émotions, à des journaux varsoviens : Kurier Warszawski et aussi Przeglad Tygodniowy.

Mais son ambition première est de devenir, selon ses propres termes : une comédienne célèbre, qui mettrait Paris à ses pieds. Très rapidement, elle se rend compte que ses efforts pour apprendre correctement le français pour la scène n’aboutissent pas. Sa ténacité et sa volonté de conquérir le public français, lui feront néanmoins goûter quelques moments de satisfaction. Aidée matériellement pas ses amis, elle poursuit son apprentissage de base, à l’égal des adeptes d’art dramatique français, chez Talbot, Sylvain, Vernon, qui dispensent les cours au Conservatoire National, à l’Institut Rudy, enfin avec Mary Samary

Malgré les difficultés, le manque d’assurance sur scène face à des actrices françaises, la découverte des mœurs dans des coulisses du théâtre parisien, malgré aussi le désir de revenir à Varsovie, tout au long de six ans, elle continue à vouloir jouer et rêve des applaudissements du public français.

Sa découverte d’un théâtre naturaliste chez André Antoine, lui donne enfin l’occasion de se faire reconnaître en tant qu’actrice. Son rôle dans « Simone » de Louis de Gramont, qu’elle joue au Théâtre Libre en 1892, lui attire la sympathie du public. De nombreux journaux relatent cet événement en soulignant son succès personnel, même si la pièce n’a été jouée que trois fois (les 27, 28 et 29 avril), contrairement aux habitudes au théâtre de nos jours. Elle est comblée. Ayant éprouvé le vertige de la réussite, elle juge que ce succès lui suffit et qu’elle est consacrée par le public parisien : voir sa lettre à Stefan Laurysiewicz (n° 189, du 27 avril 1892). Pour des raisons de santé, elle s’arrête de jouer pendant un an et se consacre seulement à l’écriture.

Ce point n’a pas été suffisamment évoqué : celui de sa santé.  Pour une actrice, c’est une carence de taille et son séjour à Paris est entravé par des épisodes de maladies qui l’empêchent d’accepter des propositions pour de nouveaux rôles au théâtre.

Néanmoins, à la demande d’Antoine, elle remonte sur scène. Elle jouera dans d’autres rôles au Théâtre Libre, naturaliste, ainsi qu’au Théâtre de L’Œuvre, symboliste. Dans la plupart des cas ce sont des rôles dit « de caractère » dans le répertoire d’Émile Fabvre, de Maeterlinck, d’Ibsen, d’Heijermans. Elle traduit aussi en polonais, pour le compte du Prezes de WTR, Karandjejev, des pièces du théâtre qui ont le plus de succès sur les scènes parisiennes.

Tout au long de son séjour en France, à Paris, en Bretagne et dans d’autres endroits, Zapolska capte et s’enrichit, apprend et s’imprègne des événements, de l’atmosphère de cette fin du XIXème siècle.

Par la suite, son évolution personnelle lui permet de se tourner vers les pauvres et les déshérités, d’enrichir les autres, de donner aux autres. De retour en Pologne, elle continuera de jouer pendant un petit nombre d’années. Ce qui semble nouveau vient de ce qu’elle apporte quelque chose dont elle se fait la promotrice. Et aussi que, du jeu sur scène, la priorité passe – avec davantage de succès – à l’écriture. Deux façons en quelque sorte de féconder l’avenir.

Une pionnière en faveur du renouveau du théâtre polonais


En 1902, elle crée une école dont le but est de préparer des acteurs pour un théâtre qu’elle veut fonder (1). A lire les nombreux articles et commentaires dans les journaux de l’époque, cette entreprise suscite un grand intérêt. Elle écrit : J’ai des élèves intelligents […] C’est le début du Théâtre Libre, auquel nous avons rêvé depuis des années. Ses méthodes de travail s’appuient sur son expérience parisienne – d’une part, à l’école de Talbot, de la Comédie-Française ; d’autre part, celle qui lui venait d’Antoine. Un an après, elle fonde La Scène Libre. Ces entreprises sont bien accueilles par le public mais pour des raisons de santé ainsi que financières, le projet s’arrête.
Le temps passe, la Pologne recouvre son indépendance. Zapolska n’a plus que quelques années à vivre. Jan Lorentowicz, qui fut l’un de ses proches et amis du temps de son séjour en France, et qui connaissait lui aussi les méthodes d’Antoine, est nommé directeur du théâtre Rozmaitości, à Varsovie. En collaboration avec d’autres personnalités du monde du théâtre, cela aboutit à la création de Reduta – lieu d’expériences théâtrales que l’on considère être à l’origine d’une renaissance de la mise en scène pour le théâtre polonais. Il est symptomatique que Lorentowicz engage quelques-uns des acteurs formés à l’école privée de Zapolska : Maria Dulęba et Jozef Węgrzyn, qui deviennent, à ses débuts, les piliers du théâtre Reduta.

À l'épreuve du temps

Déjà, en 1892, Zapolska s’exclame : Je suis persuadée que ceux qui écrivent vivent des siècles entiers dans la mémoire des hommes. Que reste-t-il des acteurs ? Une poignée de poussière dont on ne se souvient à peine ! Lorsque je pense à George Sand, il me semble qu’elle n’est pas morte […] Lorsque je pense à Rachel, je ne vois que des os. Puisqu’il nous est donné de mourir, mourons en beauté et, après la mort, soyons une belle légende.

Ses pièces de théâtre les mieux connues datent de la première décennie du XXème siècle (2). Ce qui me semble frappant est leur capacité à traverser le temps et d’avoir à chaque époque su attirer vers elles des metteurs en scène et des acteurs parmi les meilleurs. Dès leur création, elles ont été bien accueillies, jouées et rejouées. Elles ne sont pas de ces œuvres qui disparaissent rapidement. Ainsi, Moralnośc pani Dulskiej a été reprise une cinquantaine de fois de 1918 à 1945 – et souvent pour plusieurs dizaines de représentations (3). On trouvera d’excellentes raisons de circonstance pour en expliquer leur maintien au répertoire jusqu’à la Chute du Mur… Mais s’arrêter à ces raisons suffit-il ? Car depuis, de nouvelles reprises ou adaptations qui s’en inspirent n’ont pas fait défaut.

Femme de lettres, journaliste, épistolière ou actrice, dotée – unguibus et rostro : telle était sa devise – d’une remarquable résilience face à l’isolement et à l’adversité, Gabriela Zapolska a su, sur le moment et, comme je le pense, dans la durée, transcender le statut de minoritaire dont on aurait pu être tenté de l’affubler.

Trop tard ? Trop tôt ?

J’ai particulièrement apprécié que l’on ait choisi, pour l’exposition que le Musée de la Littérature de Varsovie lui a consacrée d’avril à juillet 2011, le titre Gabriela Zapolska – Zbuntowany talent / Un talent en  révolte. Elle avait incontestablement du talent. Elle s’est battue, seule, à de multiples reprises. Ne serait-ce pas aussi dû à sa position singulière ? Ne lui aurait-il pas été plus confortable de laisser son talent s’exprimer si un courant l’avait portée à son époque ?



Cette période du séjour parisien de Zapolska a été étudiée par des historiens du théâtre, notamment :
  • Zbigniew Raszewski, sous le titre Paryskimi sladami Zapolskiej, dans Pamietnik teatralny (1956, cahier 2/3, (18-19) pp.401-411, Warszawa.)
  • Jadwiga Czachowska, sous le titre Gabriela Zapolska, Monografia bio-bibliograficzna (Wydawnictwo literackie, Krakow, 1966, 606 pages)
  • Tadeusz Natanson qui, en 1970, a publié un livre au sujet de l’émigration artistique polonaise à Paris ; Z roza czerwona przez Paryz.

Sources des textes mentionnés de Zapolska :

Gabriela Zapolska, Publicystyka, t. 1 & 2, Jadwiga Czachowska, Ewa Korzeniewska (réd.), Wrocław, Ossolineum, 1958.
Listy Gabriel Zapolskiej, t. 1 & 2, Stefania Linowska (réd.), Varsovie, PIW, 1970.


Et encore...

Les Bretons aussi : invitée au Musée Départemental Breton de Quimper pour la clôture de l’exposition qu’il avait consacré en 2004 aux Peintres Polonais en Bretagne (1889-1939), je me suis trouvée face à un public extrêmement intéressé – et les quelques exemplaires de traduction de textes de Zapolska, qui avait séjourné plusieurs mois dans cette région, se sont arrachés comme par enchantement.



(1) En décembre 1897, déjà, à l’instigation de Ludwig Szczepański qui apprécie l’œuvre de Zapolska, un Teatr Wolny à la manière d’Antoine (un Théâtre Libre, formulation qui n’est pas neutre pour la Pologne de l’époque) a tenté de se constituer à Cracovie sous le patronage de Gabriela Zapolska et de Tadeusz Pawlikowski. Mais il n’y a pas eu de suites immédiates.
(2) Cette année même, l’Université de Katowice (dont Krystyna Kłosinska) a exhumé et fait imprimer des pièces tardives de Gabriela Zapolska, qui n’avaient jamais encore été publiées ; Nerwowa Awentura ; Pariasy ; Carewicz ; Asystent (Wydawnictwo Uniwersytetu Slaskiego, Katowice, 2012). Ces textes recèlent à mon sens de vraies pépites.
(3) Gabriela Zapolska – Monografia bio-bibliograficzna, Jadwiga Czachowska, Wydawnictwo Literackie, Cracovie, 1966.


jeudi 26 mars 2015

Zapolska se souvient de Sérusier



Quelques années après son retour en Pologne, Zapolska écrit à Stanislaw Janowski (son mari) qui est parti pour Paris, à propos de Sérusier : Je suis contente que le contact avec Sérusier ait pu vous être utile. C’était une grande, belle âme d’artiste ! Comment ai-je pu me comporter ainsi envers lui ! (Lettre N° 435, du 2 août 1899, Krynica).


Le 1er octobre 1899 elle écrit de nouveau à Stanislaw Janowski : Tu m’écris que Sérusier t’impressionne plus que Pissarro. C’est exact ! Sérusier se glisse plus dans l’âme, tandis que chez Pissarro on admire sa maestria. Celui-ci est poète, l’autre- artiste. Sérusier crée une harmonie ... et l’autre, l’éclat. Sérusier parle et Pissarro scintille. Mais la création de l’un et de l’autre est belle et en suivant les deux on peut, je crois, ressentir une satisfaction énorme et pour soi-même et pour ceux qui les regardent (Lettre N° 454, du 1er octobre 1899).


mardi 17 mars 2015

Influence de Zapolska sur Sérusier


Le passage de Zapolska laisse un impact dans l’œuvre de Paul Sérusier. Dans le doctorat en Histoire de l’Art de Madame Caroline Boyle-Turner, figure une reproduction du tableau de Sérusier intitulé : Promenade dans les Bois de Châteauneuf-du-Faou ou Rêverie dominicale. Madame Caroline Boyle-Turner écrit : En 1894-95, le style de Sérusier se départit des couleurs sombres et des figures monumentales de la période d’Huelgoat. Les petites figures et les couleurs brillantes réapparurent dans ses toiles qui représentent souvent des femmes désœuvrées.


Beaucoup de ces peintures sont d’une humeur plus heureuse, plus décorative ce qui est dû indubitablement à la récente alliance de Sérusier avec l’actrice polonaise Gabriela Zapolska.  Celle-ci, que Sérusier avait rencontrée à Huelgoat en 1893, se fit championne de l’art de son ami. Elle le chargea de peindre des œuvres pour son appartement parisien et écrivit avec enthousiasme à leur propos à ses amis de Varsovie. Le défi de composer un ensemble décoratif pour un espace de vie peut avoir conduit à ce changement dans le style de Sérusier.


La nature de la procession n’est pas claire – ce pourrait être un mariage, une première communion ou simplement une réunion paisible que regarde l’étrangère vêtue de rouge, qui représente peut-être Gabriela. Le second titre Rêverie dominicale, peut rappeler le souvenir qu’avait la jeune femme d’un dimanche d’été en Bretagne tandis que les femmes se promenaient après la messe dans leurs plus beaux atours (Page 112).


À la page 116 de cette thèse, nous trouvons d’autres informations concernant Sérusier : la reproduction du tableau La Cueillette des pommes, 1895   à l'été 1895, Sérusier se retira en Bretagne pour y chercher la consolation après l’abrupte rupture de sa liaison avec Gabriela Zapolska.


Page 153 : L’année 1896 : Cette année-là, une période de solitude et de dépression fut coupée par l’arrivée d’une lettre de Vercade, désormais moine d’une abbaye bénédictine à Beuron, en Allemagne. 
Page 154 : Il épousa une de ses étudiantes de l’Académie Rançon – Gabrielle Claude  le 12 mars 1912, à l’Église Saint-Sulpice.


Paul Sérusier est enseveli au cimetière de Morlaix. Son portrait en buste, en bronze, est de Georges Lacombe.


samedi 14 mars 2015

Les ponts entre Zapolska et Sérusier sont coupés


La correspondance de cette époque entre Zapolska et Sérusier a été détruite. En étudiant le seul livre qui constitue un recueil de lettres de Sérusier et qui porte le titre ABC de la peinture, j’ai été intriguée par la préface. Un Avertissement  nous informe que Cette correspondance est publiée dans la forme même du style originel que nous croyons devoir respecter, mais si elle présente d’inévitables et regrettables lacunes elle contient, néanmoins, l’essentiel pour la connaissance de l’homme et surtout de l’artiste dont l’œuvre estimé s’est imposé et est aujourd’hui classé  (…).

Madame Wladyslawa Jaworska, docteur en histoire de l’art, qui s’est intéressée à cette question m’a expliqué pourquoi cette correspondance n’a pas été conservée. Madame Jaworska a écrit un livre : Gauguin et l’École de Pont Aven, Ides et Calendes, Neuchâtel, 1971. Un chapitre y est consacré à Paul Sérusier. A l’occasion de ses recherches, Madame Jaworska a été souvent invitée par Mlle Henriette Boutaric, l’héritière de la totalité de l’œuvre de Paul Sérusier. Mlle Henriette Boutaric n’a jamais connu Sérusier mais, après la mort de l’artiste, elle s’est occupée de Madame Sérusier qui était malade. C’est elle qui a dévoilé à Madame Jaworska la cause de cette « lacune »  à savoir, l’absence dans la correspondance de Paul Sérusier des traces de l’existence de Gabriela Zapolska dans la vie du peintre.

Après le départ définitif de Zapolska en Pologne, Sérusier a voulu se suicider. Il a été ramené à la vie et, pendant une longue période, il a été en convalescence au cloître de Beuron, chez son ami hollandais Jan Vercade. Lorsque, quelques années après, en 1912, il s’était décidé de se marier avec Mlle Marguerite Gabriel-Claude, celle-ci accepta, semble-t-il sous la condition que son fiancé brûle toutes les lettres de Zapolska, qu’il ne lui écrive jamais plus et que, s’il devait recevoir une lettre de Pologne, il ne l’ouvre pas et la brûle sans la lire.

Nous savons aussi que Paul Sérusier a fait un séjour à Prague en 1896, où il peignait des fresques dans des églises. 

vendredi 13 mars 2015

Les projets de mariage se précisent


Je vis la plupart du temps avec des Français : des peintres et des acteurs. J’ai envoyé à « Przeglad Tygodniowy » une « Lettre » au sujet des nouveaux courants dans la peinture. Lis-le avec Pankiewicz.
Par envoi recommandé je vous envoie 2 affiches de « Hannelé Mattern »sur laquelle je figure sous la forme du Fantôme bleu. L’affiche est de Paul Sérusier, vraisemblablement mon futur mari et, selon moi, l’un des plus grands peintres de l’époque actuelle. Ce que tu écris - que Paris te semble laid et monstrueux – c’est vrai. Mais – quant à moi – je suis destinée à y rester. Que veux-tu ? Je suis maintenant tout à fait tranquille. J’ai un soutien moral et je ne me débats plus au sein d’un cercle vicieux comme au début de mon séjour. Je joue tranquillement quand je veux et, en plus je choisis mes rôles. Je suis entourée de ces peintres dont je t’ai parlé, qui sont particulièrement instruits. (…) Je vais devoir beaucoup à cet homme car il m’apprend à réfléchir. Je lui suis très attachée et lui, il m’adore. Je sais que tu m’as aimé beaucoup aussi, mais je ne sais pas pourquoi tout ça a dérapé. N’y pensons pas. Il se peut que la vie nous ait épargné pas mal de déceptions et des difficultés. (…) Sincèrement bienveillante.


Mise en garde de Laurysiewicz. Voyage – sans retour – à Varsovie

Dans une lettre du 2 juillet 1894, Zapolska répond à Laurysiewicz qui la met en garde à propos de la décision de rester pour toujours en France car elle risque de s’étioler loin de son pays, comme cela a été le cas pour les écrivains Jez et Kraszewski. Elle lui explique que le progrès est très lent en Pologne : elle va y venir pendant deux mois mais elle pense s’en éloigner au plus vite.

Nous savons que Zapolska quittera Paris en mai 1895, pour ne jamais y revenir.

lundi 9 mars 2015

Projet d’un court séjour à Varsovie. Installation rue Tourlaque


Un mois plus tard ZAPOLSKA écrit à Stefan LAURYSIEWICZ, qu’elle va venir à Varsovie pour trois semaines, qu’elle a discuté à ce sujet avec son futur mari, Paul SÉRUSIER, et qu’il est d’accord. Elle cherche à prendre des notes pour son nouveau roman Perpetuum mobile. (…) Elle lui annonce qu’elle a changé de couleur de cheveux : ils sont blonds dorés.

(…) je ne sais plus lutter ou désire quelque chose. Je suis comme une feuille que le vent emporte. J’ai besoin de confort, de caresses, de me faire plaisir-en un mot, je me repose moralement et physiquement. Je suis devenue oisive et un peu capricieuse.

Ne regrette pas que ce ne soit pas moi qui deviendrai ta compagne. (…) Écris-moi, tu ne seras jamais importun, au contraire. Je serre cordialement ta main.

Sincèrement. Z.

Le 2 avril 1894, ZAPOLSKA écrit à A. WISLICKI qu’elle changé d’adresse pour le 4 de la rue Tourlaque, à Montmartre.

Le 11 juin 1894, Zapolska répond à Stefan LAURYSIEWICZ, depuis Châteauneuf-du-Faou :

Je ne sais pas comment tu comprends ce qu’est le mysticisme et ce qu’est pour toi l’immortalité de l’âme. Moi, ici, je suis gavée de philosophie. J’en entends parler (de la part de SÉRUSIER) et le jour et la nuit. Je lis beaucoup et je me suis fabriqué une opinion qui change selon que je regarde les étoiles ou une souris morte. Tu te souviens à quel point j’avais peur des morts ? Eh bien ! Aujourd’hui, pas du tout.

Moi aussi j’habite près d’un cimetière (celui de Montmartre). Depuis la place Clichy, en prenant le boulevard à gauche, il y a une grande rue, la rue Caulaincourt et, tout près, une autre plus petite, la rue Tourlaque. C’est là où j’habite, au numéro 4, au 3ème étage. J’ai un très joli appartement pour 700 francs.

Le salon est adorable – rouge foncé – et tous les meubles ont été changés. J’ai un bureau sculpté, une très jolie chaise longue chinoise brodée, une bibliothèque, des chaises turques faites de parchemin, des fauteuils de marbre du Tonkin et plusieurs petits tapis asiatiques qui sont authentiques. Dans le salon, il y a une fenêtre double avec des vitres colorées, serties de plomb.

Ma chambre à coucher est de style anglais ; les murs sont couverts d’un papier de couleur vert pâle et un galon, avec des roses pour motif, court près du plafond. Au-dessus du lit, il y a des voiles blancs en mousseline ; aux fenêtres, de grands rideaux blancs ; une chaise longue en rotin ; un fauteuil et des guéridons.

Ma salle à manger est tapissée d’un tissu en laine couleur or et jaune, le plafond aussi. Le buffet et l’armoire sont bretons. Le tapis est de couleur saphir et des tabourets sont sculptés. Le cabinet de toilette est rouge avec des motifs qui représentent des éventails.

Lorsque je reviendrai, je ferai installer la baignoire car j’ai le gaz. L’appartement est propre, clair et agréable. Hortense (Hory, sa femme de ménage) est toujours là. (…).